jeudi 7 février 2013

Creepy

   
  Quand l'horreur s'insinue dans le quotidien...

      Paru en octobre dernier et sélectionné dans la liste "Patrimoine" du dernier FIBD d'Angoulême, le premier volume de l'anthologie Creepy est un album à ne pas louper. Enfin une excellente réédition des parutions américaines du magazine destiné à un public plus âgé, qui fut publié dès 1964 par James Warren, désireux de relancer la BD horrifique censurée par le "Comics Code Authority" dans les années 50. La revue connut 145 numéros jusqu'en 1983 (Warren Publishing). La maison d'édition Delirium a ainsi compilé les meilleures histoires de Creepy Archives: ce premier volume en contient vingt-six, extraites des sept premiers numéros, l'ordre chronologique ayant été respecté. Le lecteur appréciera aussi la présence de trois pages des "Lugubres légendes de Creepy", le personnage sinistre qui conte les récits horrifiques. La revue s'inspirait des Tales from the Crypt et de Vault of Horror d'EC Comics, tout en rendant hommage aux acteurs de l'âge d'or hollywoodien ou aux personnages des films d'épouvante.

(Creepy par Angelo Torres)

(Creepy par John Severin)

      Les différents scénaristes de ces histoires courtes (6/8 pages) sont Archie Goodwin, Russ Jones, Bill Pearson, Larry Ivie, Otto Binder et Arthur Porges. Archie Goodwin signe à lui seul vingt histoires de cette anthologie, ainsi que les trois "Légendes"; ce scénariste brillant devint par la suite le rédacteur en chef de Creepy Archives. Les récits sont tous annoncés par l'Oncle Creepy, figure de la revue qui a des traits communs avec le Crypt-Keeper des parutions d'EC Comics. Il a réuni pour nos "esprits dérangés", les "dessinateurs les plus épatants et les plus atroces qui soient"... C'est peu de le dire: Joe Orlando, Al Williamson, Reed Crandall, Gray Morrow, Angelo Torres, Al McWilliams, Alex Toth, Roy G. Krenkel; John Severin et Frank Frazetta (qui réalisait aussi les superbes couvertures) ont été les acteurs de cette réussite déterminante dans l'histoire des comics horrifiques, qui marqua des générations de lecteurs.


 (Joe Orlando)


(Reed Crandall)

 (Gray Morrow)

      Les intrigues prirent forme dans le cadre fictionnel de différents pays d'Europe, d'Amérique, d'Afrique ou du Moyen-Orient; et quand les idées poussèrent les limites territoriales, Archie Goodwin réalisa un récit qui se déroulait dans le vide inconnu et angoissant de l'espace. Diverses époques furent utilisées pour placer les intrigues, une fiction à l'époque moderne pouvait succéder à une histoire se déroulant au Moyen-Age ou au XVIIIème siècle, comme dans cette adaptation de La Barrique d'Amantillado d'Edgar Allan Poe. Dans ce volume, deux récits furent inspirés par Poe, et un autre par Bram Stocker; de belles réussites. Les sujets sont variés: vengeance d'un homme trahi et assassiné, traque d'une créature abominable, possession par  l'esprit de corps monstrueux, terreur dans une ville déserte, libération d'une victime captive de viles créatures, obsession et démence d'une personne, meurtres de sang froid, mutations scientifiques, malédictions... et surtout, vampires, loups-garous, revenants et autres goules. Les "Lugubres légendes" furent d'ailleurs utilisées pour donner les origines de ces personnages mythiques. A la fin de chaque scénario, l'Oncle Creepy nous offre sa morale cynique et non-dénuée d'humour noir, plaisir supplémentaire pour le lecteur déjà conquis par la qualité des histoires. Car il faut le dire: sous les apparences de récits que l'on qualifierait un peu facilement de nos jours de prévisibles, ces contes horrifiques furent en leur temps novateurs par leur modernité scénaristique et graphique, et sont actuellement considérés comme de vrais trésors.

(Gray Morrow) 

(Alex Toth)

Je ne suis pas du tout de la génération Creepy, je suis même née l'année de leur dernier numéro. Pourtant, le statut d'oeuvre culte qu'on lui attribue est venu jusqu'à mes oreilles et je suis heureuse de pouvoir enfin lire ces histoires qui  furent inédites en France depuis plus de 25 ans. Le volume 2 paraîtra en mai, et le lecteur se réjouira de pouvoir acquérir les prochaines parutions de ces éditions magnifiques.

Bonus ivre: une préface par Christophe Gans (réalisateur de Crying Freeman, Le Pacte des loups et Silent Hill) qui introduit l'anthologie avec ses souvenirs passionnés. En fin de volume, "L'enterrement prématuré d'Oncle Creepy" par Bernard Joubert explique la cause de l'interdiction de Creepy en France; "La Révolution Warren" par Jon B. Cooke reprend les origines de la revue aux Etats-Unis, alors que l'édition se conclue par des notes sur quelques histoires, la biographie des principaux auteurs et la reproduction des sept couvertures originales, splendides.

4 commentaires:

  1. Ah! Tu me rappel un époque. J'aimais bien dénicher ces petites BD de l'horreur plus jeune. J'ai toujours aimé les films d'horreur (sauf exorciste) maintenant moins mais ton billet je fais sourire.

    Un petit coucou, je délaisse les gens ces temps-ci. Belle journée à toi.

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    1. Ah, quelle chance!! Je fais les brocantes maintenant pour trouver des revues BD horrifiques!! Par contre les films d'horreur j'y arrive pas trop, à part peut-être les classiques devenus cultes comme Dracula, Nosferatu, qu'on aime pour une raison ou une autre. Sinon ça m'ennuie vite, ou c'est la surenchère pour choquer et dans ce cas ça ne m'intéresse pas.

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  2. Désolée pour les fautes, je ne suis pas encore tout à fait réveillée. ;(

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    1. Ah! Quelle idée penses-tu, je lis le fond pas la forme! ;)

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