lundi 24 décembre 2012

Batman: Noël


      Si vous êtes comme moi, vous aimez lire des histoires de saison, comme à Halloween, pour profiter au maximum de l'atmosphère des fêtes. Ce mois-ci, on ne pouvait passer à côté de Batman: Noël chez Urban Comics, et que l'on aime ou pas l'homme chauve-souris, il n'est pas envisageable de zapper ce beau conte de Noël! Comme je vous en touchais quelques mots au début du mois, Lee Bermejo nous a gâté pour les fêtes avec une relecture du Christmas Carol de Dickens dans une Gotham plus sombre que jamais...

      Un  narrateur "en voix off" raconte à un enfant une histoire "assez bizarre" que lui avait conté un soir son père, un peu trop alcoolisé; récit qui avait pris sens au fur et à mesure...  Une seule condition est requise, pour que cette histoire "veuille dire quelque chose", il suffit de "croire que les personnes peuvent changer"...  En parallèle, deux personnages parcourent Gotham le soir de Noël, l'un sur les toits, l'autre dans les rues étroites et sombres. Ce dernier est un homme à l'air hagard et désespéré. Il s'agit de Bob Cratchit, acculé par les problèmes et les frais très coûteux de la maladie de son fils Tim, qui n'a pas d'autres solutions que de travailler pour un malfrat... Arrivé à destination, il déplie une lettre d'instructions à l'écriture rouge sang: il échange le sac qu'il a apporté et en récupère un autre. A peine a t-il accompli sa mission que Batman l'intercepte; la violence du héros envers cet inconnu ne lui ressemble pas. Cet homme travaille pour son pire ennemi, et il est bien décidé à l'utiliser pour arriver à ses fins...



      La vieillesse du héros, son manque de pitié et son égoïsme inhabituel révèlent en fait de véritables souffrances, l'amenant aux extrêmes limites de son image de justicier. La comparaison avec Ebenezer Scrooge, vieil homme aigri, seul et sans coeur, fait écho dans le récit. L'image de mécène altruiste et séducteur qu'avait Bruce Wayne est aussi bien loin. La traque du justicier va l'amener à revivre de douloureux souvenirs avec "la visite" de son ancien "associé" (comme Jacob Marley dans le conte de Dickens), mais aussi à rencontrer les visions du passé, du présent et de l'avenir, aux traits bien familiers... Avertissements, visites dans des lieux connus ou chez des inconnus infortunés, rien ne lui sera épargné. Cela lui permettra alors de s'interroger sur son rôle de protecteur de Gotham, et sur les enjeux de sa lutte contre le crime. Une ultime chance de rétablir la justice. Une introspection morale vers la rédemption.


      Je ne vous cache pas que je craignais de lire une énième adaptation opportuniste, inutile et sans âme du conte, mais j'ai été agréablement surprise. Les illustrations de Lee Bermejo, ainsi que le travail de la coloriste Barbara Ciardo sont époustouflants, et on prend plaisir à détailler chaque page minutieusement. Gotham prend le temps d'un album les traits de la vieille Londres de Dickens. Le lecteur se prend facilement au jeu et suit aisément le récit mis en parallèle avec la traque acharnée et les rencontres du héros; c'est lui qui construit le conte en faisant la comparaison Batman/Scrooge. Ce livre enchantera les inconditionnels de Batman comme les plus sceptiques. Entre le comics et l'album de conte traditionnel, aux superbes illustrations, Batman: Noël est un livre exceptionnel. Une véritable réussite.

Bonus ivre: une préface de Jim Lee et un carnet de croquis en fin d'album.

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