Guerse et Pichelin

J'ai dans ma bibliothèque des BD que j'adore relire avec le même plaisir évident. Quand on rit aux mêmes conneries à la dixième lecture, et qu'on en redécouvre de nouvelles, il est clair qu'on a devant soi des BD qui font partie du cercle de nos préférences ultimes. Deux livres de Marc Pichelin et Guillaume Guerse en font partie: Les losers sont des perdants (2009) et Foutoir (2011), de la collection Centripète des Requins marteaux. Bon sang que je les aime.

Tout se passe à Albi, chef-lieu du Tarn en Midi-Pyrénées. On ne peut pas dire que ce soit l'endroit le plus dynamique de France! Quatre potes, Pierrot, Marco, Jipé et Gégé, vivotent du RMI qu'ils claquent en bières, et de petits boulots, quand ils y sont forcés. Ils se retrouvent principalement au "Jour de fête", bar où ils ont établi leur QG, et qui est tenu par Philippe, le patron.

Leurs histoires, qui tiennent en quelques pages chacune, sont hilarantes, et l'on rit d'autant plus des ruses de Philippe, super malin quand il s'agit de faire boire les quatre acolytes... Moins quand il veut les déloger de son bar à deux heures du mat', quand les flics albigeois rodent patiemment pour appliquer la loi. L'ambiance dans ce bar est surtout enivrée, les blagues volent bas et les plans qu’échafaudent ces "losers" pour s'abreuver aux frais du patron sont à se cogner la tête contre le mur. Mais on s'attache à cette amitié saoule, à cette cuite entre potes où l'on a envie d'entrer. On les suit aussi en virée à l'ANPE, chez l'assistante sociale, ou dans le Café des sports quand ils se font chasser du Jour de fête...

L'histoire où Jipé se fait pigeonner par l'ANPE est à mourir de rire; lui qui, au chômage depuis 8 ans, avait cru pouvoir être tranquille en cherchant un emploi d'artiste comédien comique au fond du Tarn...

Excellente aussi l'histoire où Philippe, le patron, se voit imposer les différents goûts musicaux de ses clients quand il passe un CD dans son bar... Nos amis fanas de musique s'y reconnaîtront!

Marc Pichelin au scénario, Guillaume Guerse au dessin. Ces génies ont fondé les Requins marteaux (avec Bernard Khatou) en 1991, à Albi, dans le Tarn (tiens, tiens, tiens...). Ils ont commis d'autres merveilles: C'est pas tous les jours fête et Amour, sexe et bigorneaux (2 tomes), où l'on peut retrouver la même fine équipe. Ils avaient pré-publié Les losers sont des perdants dans Fluide Glacial, puis sorti la BD chez Audie en 2002. La couv' était différente, peut-être que certains connaissent la BD sous cette apparence. Il s'agit maintenant de la réédition des Requins qui est dispo.

Il est bon de savoir que Pichelin est aussi le co-créateur (avec Pierre Druilhe) du journal de BD Ferraille, qui représentait le collectif d'auteurs des Requins.

Que du bon, mes amis.

Bonus ivre: à la fin des Losers, le personnage de Jipé trouve la solution à leurs problèmes grâce à une adhésion au F.M.A.C., le Fond Méroll pour l'Art Contemporain. Il explique à ses amis: "C'est ringard de traîner dans ce bar. L'avenir est dans la culture. L'art contemporain c'est fun". Il se justifie avec Ferrailles Sciences, journal qu'il tient à la main et dont les auteurs nous offrent le fac-similé... On y trouve des gags dignes du collectif Ferraille, et même des conseils pour apprendre "à éviter les lieux communs", qui permettent "de ne plus passer pour un gros con réactionnaire".