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jeudi 25 avril 2013

Brune Platine


J'ai un aveu à vous faire, quand je vois le nom de Lisa Mandel sur un album, je l'achète les yeux fermés. Je flânais dans une librairie à 100km de chez moi (comme tu le vois lecteur chéri, je vis de formidables aventures), 30 minutes avant la fermeture, reposant tout ce que je touche (et je tripote pas mal en librairie, crois-moi) car anémie de ma carte bleue, chute dangereuse de piles de livres à la maison, tu connais la chanson. Et là, ô stupeur, ô couverture magnifique, ô il est déjà sorti; je suis immédiatement attirée par Brune Platine. Dernier de sa pile, aussitôt attrapé, le libraire amusé qui zieute vers moi pour voir pourquoi il a un trou sur son étal 5 minutes avant de baisser son rideau métallique, je rentre chez moi avec mes nouvelles copines.

Brune et Platine sont deux détectives privées proprio de leur agence d'"Enquêtes en tout genre", bureau jouxtant leur appartement. Lorsque Claire Gayrault fait appel à elles, c'est en peignoir de bain rose et le cigarette au bec que la gironde et blonde Platine la reçoit. Brune traîne encore au lit, alanguie auprès de deux jeunes femmes nues que recouvrent seulement les premiers rayons du soleil... Claire désire retrouver son père, qui a quitté le domicile conjugal quand elle avait quatre ans. Platine s'interroge, pourquoi maintenant, après toutes ces années? La jeune femme dévoile alors sa cicatrice au cou, plaie enfantine devenue un étrange stigmate qui s'est remis à saigner sans raison apparente, et qu'elle pense être lié à son père disparu. Brune, qui lit dans l'âme des femmes, refuse l'affaire. C'était sans compter sur la belle somme d'argent que propose Claire, qui finira par convaincre Platine... et par conséquent sa partenaire. Après quelques recherches, Brune embarque pour l'Herzéguie, au paysage familier des Balkans, pour retrouver la trace de Jean-Paul Gayrault. Tout s'annonce bien pour les détectives comme pour leur cliente, mais tout le monde sait que les plus belles histoires ne sont que des façades destinées à cacher les plus noirs secrets...

Le lecteur se prend au jeu de ces professionnelles particulières et attachantes. Beaucoup d'humour dans cette histoire, surtout en présence de la plantureuse Platine, amicale et exubérante. Brune, plus introvertie et taciturne, est une femme intelligente qui se dévoile au fil des planches, offrant tour à tour de délicieux moments d'érotisme et de troublantes scènes créant un suspense insoutenable... Cet album est donc une très belle surprise, fruit de la collaboration entre Lisa Mandel au scénario, et Marion Mousse au dessin. Paru dans la collection KSTR chez Casterman, il est le premier volet d'un diptyque prometteur. Lisa Mandel a écrit un polar violent, dont on attend la suite avec impatience. Marion Mousse est un artiste que j'apprécie beaucoup, que j'avais découvert dans Les Autres Gens de Thomas Cadène. Il nous charme avec son trait fin, léger, qui devient peu à peu sombre et inquiétant, à l'image des cauchemars et des dangers qui attendent nos héroïnes. Le lecteur est vite happé par cette affaire, en apparence banale, mais qui s'avérera bien plus périlleuse que prévue. Les deux premières planches de l'album annoncent d'ailleurs la couleur... Il ne faut jamais se fier aux apparences, aussi douces soient-elles!




samedi 20 avril 2013

Poissons violents


Ah, le grand bleu, la tranquillité d'un silence infini... Les espèces sous-marines extraordinaires qui évoluent dans des récifs époustouflants, d'une beauté sans nom... DÉTROMPEZ-VOUS! Oubliez tout ce que vous imaginiez naïvement, on nous a menti! Stéphane Bertaud nous avoue enfin la vérité, les Poissons sont violents! J'en veux pour preuve le vindicatif et hargneux André, poisson bas du front qui se révolte contre la pêche intensive des humains et harangue la foule avec un discours sonnant le début de la révolution aquatique. Son but: chercher des volontaires afin d'envahir les humains et de les réduire en esclavage! Aucun des poiscailles présents n'a l'air d'être très vivace et, manque de bol, Thierry, qui passait par là pensant être au défilé des sirènes à poil, se fait harponner pour cette mission suicide. Difficile de ne pas se faire remarquer en public quand on a la nageoire bloquée en l'air après un accident d'ouvre-boîtes... Le troisième larron, pas plus volontaire que Thierry, est Jean-Michel, le frère d'André et manifestement le génie de la famille, puisqu'il est l'heureux inventeur de la Turbo Poisson, véhicule qui marche à l'eau... et que va utiliser le commando d'idiots. Direction La Réunion, île suffisamment petite pour débuter l'invasion! Quant aux humains, ils vont en rencontrer, et ceux-ci ne sont pas prêts de les oublier...


Ronan Lancelot, que certains connaissent mieux comme étant l'ex-rédac-chef de Fluide Glacial entre 2000 et 2003, avait pour projet de réaliser l'album Gang de Poissons avec Stéphane Bertaud, autre transfuge du Cri du Margouillat (magazine BD de l'île de La Réunion, qui a cessé de paraître il y a plus de dix ans, mais qui est réapparu en version web). C'était il y a six ans, et leur vedette, Georges Labulle, a laissé sa place à André, poisson violent tout aussi autoritaire et crétin. Entre-temps, Stéphane Bertaud s'est attelé seul à la réalisation de cet album, édité par la maison d'édition Des Bulles dans l'Océan, et le résultat est haut en couleurs! Ce premier tome, Objectif Réunion, est une belle réussite, tant par la qualité d'édition que par l'humour omniprésent. Références insulaires, scénario sans prise de tête, délire cartoonesque d'une guérilla à trois, le plaisir est au rendez-vous! On passe un bon moment en compagnie de ce trio au cerveau de bulot, rien que la rencontre du PACR vaut le déplacement! Qu'est-ce donc que le PACR? Je vous laisse le plaisir de la découverte...

Attention toutefois si vous croisez André, il manie très bien le bâton.

Page Facebook Poissons Violents (on y trouve même un paper toy de Thierry!!)
Page Facebook Des Bulles dans l'Océan

mercredi 10 avril 2013

Nouvelle review sur Comics Chronicles!


Si vous êtes dingue de Locke & Key, la série de Joe Hill et Gabriel Rodriguez, rendez-vous sur le site Comics Chronicles pour découvrir ma review du 4ème tome paru chez Milady!
Pour les autres, curieux que vous êtes, laissez-vous tenter par cette superbe série!

samedi 6 avril 2013

Lastman


      High kick dans les nouveautés du mois de mars, Lastman de Balak, Bastien Vivès et Michaël Sanlaville est l'album du moment édité dans la collection KSTR par Casterman!

      Adrien Velba, jeune élève d'une école de combat d'une ville médiévale, s'entraîne pour participer au tournoi annuel du roi Virgil et de la reine Efira. Le prix du gagnant, une grande coupe remplie de pièces d'or, lui permettrait d'aider sa mère, la belle Marianne. Manque de bol, son partenaire déclare forfait avant les inscriptions! Sa participation semble compromise... Mais la venue en ville de Richard Aldana, combattant solitaire, va changer le destin du jeune garçon... 
   

      Manga à la française concocté à six mains par une team d'auteurs talentueux, Lastman reprend les codes du shônen, tout en conservant un ADN franco-belge. Le mélange des genres fonctionne étonnamment bien. On pourra reprocher au scénario des rebondissements convenus et des personnages stéréotypés (la brute épaisse au grand coeur, le jeune garçon qui doit faire ses preuves, des ennemis à sale gueule), mais ce qui pourrait être une faiblesse fatale se révèle être au final un atout majeur. Car en choisissant de construire leur album autour d'une histoire basique, les trois auteurs ont privilégié un rythme haletant et efficace qui rend la lecture de Lastman tout à fait jouissive! Balak, Sanlaville et Vivès ont d'abord voulu s'éclater, faire un projet commun entre potes, et cela se ressent dans ce livre absolument pas prise de tête. Un plaisir régressif, comme jouer à un jeu vidéo de baston ou mater un film de kung-fu.
Le dessin, malgré sa simplicité apparente, est redoutable. Le dynamisme du trait et son efficacité servent le récit: l'impression de voir un anime pendant les pages de combat (les références au nekketsu, comme celles à Akira Toriyama, sont assumées) rend les personnages encore plus drôles et attachants. Les auteurs ont fait du bon boulot: la forme est en parfaite adéquation avec le fond, l'histoire coule de source, tout s'imbrique parfaitement.


Au final, Lastman aura sans doute ses détracteurs, rebutés par son côté basique, même si celui-ci est sans conteste sa plus grande force. Une bouffée d'air frais entre deux lectures prises de tête, indispensable.
L'objet en lui-même est en format manga deluxe, avec une belle couverture amovible en papier glacé, un sens de lecture occidental, une ouverture en couleur, un papier de bonne qualité (on reste chez Casterman tout de même!)... Le petit plus est indéniablement le journal de bord de la production tenu par Balak, qui est hilarant. Et bonus des bonus, cadeau parmi les cadeaux, des vignettes à coller comme dans un vieil album Panini, si c'est pas la classe! Une édition collector existe, sous blister argenté, avec trois couleurs de couvertures disponibles.
La prépublication hebdomadaire des 10 épisodes de la saison 1 sur delitoon s'est terminée, elle reprendra le 13 mai pour la seconde partie. Le tome 2 sortira en juin, le 3 en octobre, et les auteurs travailleront bientôt sur le tome 4, qui entamera le second cycle! Un défi de fous furieux! 
      
      
Checkez la page facebook de Lastman qui contient des bonus superbes!

dimanche 31 mars 2013

Before Watchmen #2, sur Comics Chronicles!


Before Watchmen, en parution bimensuelle d'Urban Comics en kiosque,
ça vous intrigue?
J'avais fait la review du premier numéro sur Comics Chronicles,
alors j'y ai posté la review du second!
Allez donc y faire une petite promenade en compagnie des justiciers masqués!

samedi 30 mars 2013

Saga, sur Comics Chronicles!


Mes amis, tout est dit dans le titre!
Ma petite chronique de Saga (de Brian K. Vaughan et Fiona Staples, Urban Comics) est à lire sur le merveilleux site Comics Chronicles!

jeudi 7 février 2013

Creepy

   
  Quand l'horreur s'insinue dans le quotidien...

      Paru en octobre dernier et sélectionné dans la liste "Patrimoine" du dernier FIBD d'Angoulême, le premier volume de l'anthologie Creepy est un album à ne pas louper. Enfin une excellente réédition des parutions américaines du magazine destiné à un public plus âgé, qui fut publié dès 1964 par James Warren, désireux de relancer la BD horrifique censurée par le "Comics Code Authority" dans les années 50. La revue connut 145 numéros jusqu'en 1983 (Warren Publishing). La maison d'édition Delirium a ainsi compilé les meilleures histoires de Creepy Archives: ce premier volume en contient vingt-six, extraites des sept premiers numéros, l'ordre chronologique ayant été respecté. Le lecteur appréciera aussi la présence de trois pages des "Lugubres légendes de Creepy", le personnage sinistre qui conte les récits horrifiques. La revue s'inspirait des Tales from the Crypt et de Vault of Horror d'EC Comics, tout en rendant hommage aux acteurs de l'âge d'or hollywoodien ou aux personnages des films d'épouvante.

(Creepy par Angelo Torres)

(Creepy par John Severin)

      Les différents scénaristes de ces histoires courtes (6/8 pages) sont Archie Goodwin, Russ Jones, Bill Pearson, Larry Ivie, Otto Binder et Arthur Porges. Archie Goodwin signe à lui seul vingt histoires de cette anthologie, ainsi que les trois "Légendes"; ce scénariste brillant devint par la suite le rédacteur en chef de Creepy Archives. Les récits sont tous annoncés par l'Oncle Creepy, figure de la revue qui a des traits communs avec le Crypt-Keeper des parutions d'EC Comics. Il a réuni pour nos "esprits dérangés", les "dessinateurs les plus épatants et les plus atroces qui soient"... C'est peu de le dire: Joe Orlando, Al Williamson, Reed Crandall, Gray Morrow, Angelo Torres, Al McWilliams, Alex Toth, Roy G. Krenkel; John Severin et Frank Frazetta (qui réalisait aussi les superbes couvertures) ont été les acteurs de cette réussite déterminante dans l'histoire des comics horrifiques, qui marqua des générations de lecteurs.


 (Joe Orlando)


(Reed Crandall)

 (Gray Morrow)

      Les intrigues prirent forme dans le cadre fictionnel de différents pays d'Europe, d'Amérique, d'Afrique ou du Moyen-Orient; et quand les idées poussèrent les limites territoriales, Archie Goodwin réalisa un récit qui se déroulait dans le vide inconnu et angoissant de l'espace. Diverses époques furent utilisées pour placer les intrigues, une fiction à l'époque moderne pouvait succéder à une histoire se déroulant au Moyen-Age ou au XVIIIème siècle, comme dans cette adaptation de La Barrique d'Amantillado d'Edgar Allan Poe. Dans ce volume, deux récits furent inspirés par Poe, et un autre par Bram Stocker; de belles réussites. Les sujets sont variés: vengeance d'un homme trahi et assassiné, traque d'une créature abominable, possession par  l'esprit de corps monstrueux, terreur dans une ville déserte, libération d'une victime captive de viles créatures, obsession et démence d'une personne, meurtres de sang froid, mutations scientifiques, malédictions... et surtout, vampires, loups-garous, revenants et autres goules. Les "Lugubres légendes" furent d'ailleurs utilisées pour donner les origines de ces personnages mythiques. A la fin de chaque scénario, l'Oncle Creepy nous offre sa morale cynique et non-dénuée d'humour noir, plaisir supplémentaire pour le lecteur déjà conquis par la qualité des histoires. Car il faut le dire: sous les apparences de récits que l'on qualifierait un peu facilement de nos jours de prévisibles, ces contes horrifiques furent en leur temps novateurs par leur modernité scénaristique et graphique, et sont actuellement considérés comme de vrais trésors.

(Gray Morrow) 

(Alex Toth)

Je ne suis pas du tout de la génération Creepy, je suis même née l'année de leur dernier numéro. Pourtant, le statut d'oeuvre culte qu'on lui attribue est venu jusqu'à mes oreilles et je suis heureuse de pouvoir enfin lire ces histoires qui  furent inédites en France depuis plus de 25 ans. Le volume 2 paraîtra en mai, et le lecteur se réjouira de pouvoir acquérir les prochaines parutions de ces éditions magnifiques.

Bonus ivre: une préface par Christophe Gans (réalisateur de Crying Freeman, Le Pacte des loups et Silent Hill) qui introduit l'anthologie avec ses souvenirs passionnés. En fin de volume, "L'enterrement prématuré d'Oncle Creepy" par Bernard Joubert explique la cause de l'interdiction de Creepy en France; "La Révolution Warren" par Jon B. Cooke reprend les origines de la revue aux Etats-Unis, alors que l'édition se conclue par des notes sur quelques histoires, la biographie des principaux auteurs et la reproduction des sept couvertures originales, splendides.

samedi 26 janvier 2013

Friskoz Invaderz!


      Ce livre est un coup de béquille dans les dents, une soirée alcoolisée entre potes, un film B déjanté; bref, un album réalisé par un duo talentueux, composé de Le Double au scénar et de Niro au dessin. Paru chez Indeez dans la collection Urban le 3 janvier, ce premier tome issu du Black Sheep Studio est une histoire cinglée qui roule à tombeau ouvert vers l'horreur et le gore, tout en restant hilarante.


      2012. Les médias couvrent l’évènement le plus important de l'histoire de l'humanité: la Terre se détraque, des vents violents emportent tout sur leur passage, déracinant végétations et constructions urbaines, pendant que les eaux montent dangereusement et engloutissent la carte du monde connu. 90% du globe est immergé. Pas de pitié ni de temps mort, nous ne sommes pas dans un film de Roland Emmerich, en deux pages c'est plié.


      2016. L'accueillante cité de Friskoz est devenue une forteresse inviolable, un des seuls endroits qui n'a pas subi les violents déferlements des vagues puisqu'elle avait été construite à 2250 mètres d'altitude. Mais ça, c'était avant de devenir une île prise d'assaut par des survivants à l'agonie, désireux d'y trouver un peu de répit et un reste de vie. Les rares rescapés qui ont échappé aux mines redoublent de prudence, mais c'est sans compter sur les Patrol Boyz, milice d'abrutis consanguins qui font respecter la loi de Friskoz à coups de batte dans la gueule, veillant ainsi à ce qu'aucun étranger n'intègre l'île. Pourtant un homme surgit de l'ombre pour empêcher ce nouveau carnage, il s'agit de Nic Loomis, l'ex-flic devenu "l'enquêteur sur béquilles". Bien que n'étant pas baraqué comme Superman ni équipé comme Batman, il manie ses béquilles comme une arme de poing redoutable et sait se faire entendre. La grande classe.



      Le quotidien de Loomis est loin d'être idyllique; ce paradis pour les étrangers est un enfer pour les insulaires, un ghetto crasseux et violent où l'on se bat pour survivre. Lui-même se retrouve trop souvent mis en danger, ses détracteurs ayant tendance à le sous-estimer à cause de son infirmité. Obligé d'accepter des petites affaires pour survivre, il survit sur l'île comme les autres, sauf que son intelligence le rend lucide sur le destin de cette société apocalyptique, qui fait même revenir à la mode ce terrible fléau qu'est la coupe mulet... Son parcours l’amènera à retrouver et rencontrer des personnages soit méchamment caricaturaux tel que le maire de Friskoz Bill McClure; soit terriblement attachants comme Ted, du groupe "Vomit Corpse", ou Battling Joe, le patron de bar. Et que dire de Mlle Poops... Pour aggraver la situation déjà oppressante, le passé de Loomis refait surface avec l'apparition du personnage au pire nom du monde de la BD; vous m'en direz des nouvelles!



















      Ce scénario est complètement barré, ce premier tome sert surtout d'intro à cet univers sans pitié, où l'on croise beaucoup de références à la culture horrifique et où on ressent l'influence des films de série B voire Z! Loomis est à coup sûr un hommage au Docteur Loomis des films Halloween; le lieutenant Bronstwood est surnommé "Scarface"; le groupe de Ted est une allusion à "Corpse Vomit", groupe de death metal danois... Quoiqu'il en soit, le tome se finit sur un cliffhanger de folie; nul doute que je vais me ruer sur le tome 2!
Pour finir en beauté, précisons que le dessin de Niro est vraiment terrible, on voit que le dessinateur s'est fait plaisir à illustrer cette histoire détraquée. On retrouve un peu tous les styles dans les gueules des personnages, et l'humour est présent à chaque page, même dans les moments critiques. Il suffit de voir les pubs qu'il colle sur les murs des bâtiments, comme des clins d'oeil au lecteur, qui prend plaisir à les dénicher.
Cet album est aussi un beau boulot d'édition: qualité de la couverture et du papier, couleurs et maquette de l'album; Indeez ne se fout pas de ses lecteurs. Le tome 2 paraîtra cette année.

Bonus ivre: en fin d'album, on retrouve des affiches Friskoz, une carte de l'île influence GTA, les pubs parodiques que l'on pouvait voir dans les rues de la cité, des recherches et crayonnés, ainsi que des fan-arts.

Méga bonus ivre: Comme l'équipe d'Indeez est fantastique, mon exemplaire a eu l'honneur d'avoir une superbe dédicace de Niro...


Ah, et si vous n'avez pas vu la vidéo-trailer, c'est le moment!


samedi 29 décembre 2012

Formicapunk


      Formicapunk est le septième volume des Notes de Boulet, paru en septembre dernier dans la collection Shampooing chez Delcourt. Il reprend les publications de juillet 2010 à juillet 2011 de son blog bouletcorp, soit sa septième saison. Je n'avais pas encore parlé des Notes ici, mais ce n'est pas du à un désintérêt de ma part! Loin de là! Seulement il fallait prendre le train en marche, et l'apparition de ce livre sous le sapin de Noël m'a donné l'occasion d'en parler. Je suis une grande admiratrice du travail de Boulet comme de son humour terrible, qui me sort si facilement de la monotonie d'un lundi sinistre. Il est aussi le coupable désigné pendant mes périodes de procrastination, lorsque je renie des masses de boulot, mais il s'agit là d'un autre problème...

(les 7 tomes, plus un carnet de strips 
et un de "notes" vierge offerts)

       Ce volume évolue sous le thème du multivers, soit des possibilités infinies qui auraient pu diriger nos vies et qui coexisteraient dans des univers parallèles. Redécouvrir les histoires avec cette théorie dans un coin de la tête crée une lecture différente, rendant même nostalgique un voyage vers une uchronie merveilleuse. Car Boulet sait faire voyager son lecteur. Univers parallèles, monde steampunk, ou formicapunk avec les technologies des années 70/80 (aaah regarder Game of Thrones sur VHS doit être une expérience particulière!), voyage à New York, dans un poème de Charles Baudelaire, ou simple retour chez les parents pour revivre des souvenirs de l'enfance ou de l'adolescence; les expériences sont très différentes!
      Les histoires sont tendres, parfaitement scénarisées et souvent hilarantes. Sept saisons et pourtant son talent se confirme à chaque publication. Mes préférences vont la plupart du temps à ses saynètes d'observation ou de coup de gueule, comme celles du "vide-grenier" ou de "la bête en moi", où il s'insurge contre les packaging mignons des produits de consommation comme les céréales, la lessive ou le PQ, alors que lui rêve de produits faits pour des hommes virils qui vivaient autrefois fiers et libres grâce à Dame Nature. C'est encore à ce jour mon histoire préférée. Le bonus est magnifique de cruauté.

(les merveilles d'un vide-grenier...)

      Beaucoup de pépites dans ce volume: une lutte contre les chaînes de mails moisies diffusant des proverbes pseudo-philosophiques sur fond kawaï; des "codes de conduites" sur l'art de dessiner dans lesquels on découvre la haine particulière de l'auteur pour les pantins O-Cedar; "le mystère de la chambre sale" où une équipe de policiers et un profiler tentent de déterminer les causes de sa mort m'ont fait rire une semaine entière; et dans "casual friend", on retrouve notre honte à supporter des gens qu'on connait à peine et qui nous pourrissent sur les réseaux sociaux avec des photos affreuses... Les récits où il prend la parole dans des colloques pour démonter les théories de scientifiques comme ici Hubert Reeves, ou plutôt pour en illustrer l'inutilité avec une mauvaise foi sidérante, sont à mourir de rire.

(au lendemain d'une soirée arrosée, les ravages sur F de B...)

      Pour les derniers sceptiques du fond de l'article, un tour sur son blog finira de vous convaincre.
Sinon, je ne peux plus rien pour vous.

lundi 24 décembre 2012

Batman: Noël


      Si vous êtes comme moi, vous aimez lire des histoires de saison, comme à Halloween, pour profiter au maximum de l'atmosphère des fêtes. Ce mois-ci, on ne pouvait passer à côté de Batman: Noël chez Urban Comics, et que l'on aime ou pas l'homme chauve-souris, il n'est pas envisageable de zapper ce beau conte de Noël! Comme je vous en touchais quelques mots au début du mois, Lee Bermejo nous a gâté pour les fêtes avec une relecture du Christmas Carol de Dickens dans une Gotham plus sombre que jamais...

      Un  narrateur "en voix off" raconte à un enfant une histoire "assez bizarre" que lui avait conté un soir son père, un peu trop alcoolisé; récit qui avait pris sens au fur et à mesure...  Une seule condition est requise, pour que cette histoire "veuille dire quelque chose", il suffit de "croire que les personnes peuvent changer"...  En parallèle, deux personnages parcourent Gotham le soir de Noël, l'un sur les toits, l'autre dans les rues étroites et sombres. Ce dernier est un homme à l'air hagard et désespéré. Il s'agit de Bob Cratchit, acculé par les problèmes et les frais très coûteux de la maladie de son fils Tim, qui n'a pas d'autres solutions que de travailler pour un malfrat... Arrivé à destination, il déplie une lettre d'instructions à l'écriture rouge sang: il échange le sac qu'il a apporté et en récupère un autre. A peine a t-il accompli sa mission que Batman l'intercepte; la violence du héros envers cet inconnu ne lui ressemble pas. Cet homme travaille pour son pire ennemi, et il est bien décidé à l'utiliser pour arriver à ses fins...



      La vieillesse du héros, son manque de pitié et son égoïsme inhabituel révèlent en fait de véritables souffrances, l'amenant aux extrêmes limites de son image de justicier. La comparaison avec Ebenezer Scrooge, vieil homme aigri, seul et sans coeur, fait écho dans le récit. L'image de mécène altruiste et séducteur qu'avait Bruce Wayne est aussi bien loin. La traque du justicier va l'amener à revivre de douloureux souvenirs avec "la visite" de son ancien "associé" (comme Jacob Marley dans le conte de Dickens), mais aussi à rencontrer les visions du passé, du présent et de l'avenir, aux traits bien familiers... Avertissements, visites dans des lieux connus ou chez des inconnus infortunés, rien ne lui sera épargné. Cela lui permettra alors de s'interroger sur son rôle de protecteur de Gotham, et sur les enjeux de sa lutte contre le crime. Une ultime chance de rétablir la justice. Une introspection morale vers la rédemption.


      Je ne vous cache pas que je craignais de lire une énième adaptation opportuniste, inutile et sans âme du conte, mais j'ai été agréablement surprise. Les illustrations de Lee Bermejo, ainsi que le travail de la coloriste Barbara Ciardo sont époustouflants, et on prend plaisir à détailler chaque page minutieusement. Gotham prend le temps d'un album les traits de la vieille Londres de Dickens. Le lecteur se prend facilement au jeu et suit aisément le récit mis en parallèle avec la traque acharnée et les rencontres du héros; c'est lui qui construit le conte en faisant la comparaison Batman/Scrooge. Ce livre enchantera les inconditionnels de Batman comme les plus sceptiques. Entre le comics et l'album de conte traditionnel, aux superbes illustrations, Batman: Noël est un livre exceptionnel. Une véritable réussite.

Bonus ivre: une préface de Jim Lee et un carnet de croquis en fin d'album.

jeudi 20 décembre 2012

L'ostie d'chat


      L'ostie d'chat est un blog-feuilleton créé par deux auteures québécoises, Iris et Zviane. L'histoire a commencé en 2009, et s'est achevé en 2011 avec plus de 500 pages (beaucoup de bonus sur le blog!); leur succès en France/Europe est en partie grâce à Boulet, qui leur a suggéré de montrer leur travail à Lewis Trondheim, directeur de publication de la collection Shampooing chez Delcourt. Rencontre, publication, succès; L'ostie d'chat est maintenant aussi une série d'albums en trois tomes, parus en août 2011, puis février et mai 2012.
      Les couleurs se sont un peu ternies (on passe d'un "rose" au "noir/gris/blanc", voir plus bas), les pages ont été quelques fois retravaillées et restructurées, mais c'est un réel plaisir d'avoir un album de L'ostie d'chat entre les mains! Pour tout vous dire, je ne savais même pas que le blog avait été édité en version papier, alors quand j'avais croisé le 1er tome chez mon libraire, j'ai directement attrapé le préciiiieeeeuuux. Cela faisait un moment que je voulais vous en parler, et pour ceux qui ne connaissent pas du tout, je vous raconte!

      On suit le quotidien de deux gars vivant à Montréal, Jean-Sébastien Manolli et Jasmin Bourvil, deux potes qui se sont rencontrés au lycée. Ils se partagent la garde de Legolas, un chat ingrat et peureux (voilà le pire nom pour un chat aussi peu agile!) qui leur est resté sur les bras après le suicide de son maître, Steve. Enfin, c'est surtout Jasmin qui se le coltine, car Jean-Sébastien ne l'utilise que pour draguer les filles. Ces deux-là sont vraiment deux potes de galère, et même si Jean-Séb a un peu plus de succès que Jasmin avec les filles (entre les pas-très-saines-d'esprit et celles-qu'il-ne-faut-pas, il cumule), on se demande quand même ce qui ne tourne pas rond chez eux! Jasmin, lui, rêve de percer dans la musique, mais passe trop de temps à hésiter entre les nanas. Le petit monde qu'ils côtoient n'est pas fin pour autant: Amélie qui passe pour une folle, Claire le bouche-trou, Maude la bonne copine, Natasha Savage la salope, mais aussi Julie, la fille qui a semé le trouble entre les deux amis... Les chapitres sont courts, les scènes sont très drôles (les souvenirs de lycée sont hilarants!) mais aussi souvent particulièrement émouvantes, comme celles où les deux héros se remémorent des épisodes de leur passé...
      Je me marre énormément avec les dialogues, où perlent les mots français-québécois et où ressortent des mots en anglais. Un vrai dépaysement pour moi, qui vis à la frontière franco-allemande! Pour ce qui est des deux styles de dessin (les planches sont dessinées à tour de rôle, chacune gère un perso), ils ne contrarient en rien le bon déroulement du récit, mais au contraire démontrent parfaitement le plaisir et la complicité des auteures. Plaisir qui est franchement communicatif,  même si les aventures sont maintenant malheureusement finies!



                  (version papier)                                                              (version blog)

(la rencontre Steve/Legolas)

En ligne: legoslaslove.canalblog.com, à voir l'hilarant bonus d'Halloween où les filles ont revu des scènes du blog en versions gore!!!
Les archives: on clique ici!
On retrouve les auteures sur leurs blogs: Iris et Zviane!



lundi 17 décembre 2012

RG, l'intégrale

(Version Folio, haute comme trois pommes...)

      Riyad-sur-Seine et Bangkok-Belleville sont parus en 2007 et 2008, mais il a fallu qu'une énième édition sorte (ici en format poche) pour que je me la procure. Je suis depuis un moment le travail de Frederik Peeters, j'aime énormément les parutions Bayou Gallimard, je sais que ces deux albums ont reçu des prix, et pourtant j'ai mis cinq ans à y venir. Que voulez-vous, je dois être lente ou folle. Peut-être est-ce vraiment une question de moment. D'instant parfait où un album recroise notre route et où il nous paraît évident que c'est celui-ci qu'on a envie de lire. Que sais-je? Quoiqu'il en soit, je suis heureuse d'avoir enfin lu cette intégrale, déjà parue sous un format un poil plus grand chez Bayou. Je me renseigne un chouia, apparemment pas de troisième tome prévu, que des rumeurs qui s'essoufflent, contentons-nous de ces deux beaux tomes. 

(Deux superbes couv' pour les éditions originales)
     
      Tout commence grâce à Joann Sfar, qui soutient pendant l'affaire des caricatures son ami Philippe Val, alors rédac chef de Charlie Hebdo. Il rencontre, dans ce fourmillement de policiers, Pierre Dragon, un membre des Renseignements généraux; l'homme lui plaît, il sent qu'il a des tas d'histoires géniales à raconter, et le met en lien avec Peeters, auteur de BD suisse qui consolide tranquillement son succès. Voilà donc Dragon (pseudonyme bien entendu), qui raconte sa profession, mise en images par le talentueux Peeters.

      Deux enquêtes particulières, à des mois d'intervalle. La première, pendant l'été 2003, caniculaire, qui amène Dragon et son équipe à surveiller des trafiquants qui auraient des contacts avec des terroristes islamistes. La seconde, de fin décembre 2003 jusqu'à février 2004, met Dragon en tête d'une mission sur une affaire d'immigration clandestine thaïlandaise. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le monde des RG nous est inconnu, et pour cause! Le secret et la discrétion sont de mise, et les flics eux-mêmes y vont de leurs rumeurs et de leurs sales coups pour se faire mousser. Passons. Nous entrons enfin dans le secret d'une enquête, et, ce n'est pas vraiment une surprise, nous sommes très loin des scènes de films gorgées de courses-poursuites folles et de missions résolues en trois jours. Car les missions sont longues, s'étirant sur des semaines, des mois. Souvent ennuyeuses, les surveillances se font dans des pièces confinées ou des camionnettes étouffantes, et ce qui sauve de cette inaction est de tomber sur de bons éléments, une bonne équipe comme celle que constituent Pierrot, Cyril et Bernard. 




      Tous les trois amassent les éléments pour bétonner les dossiers qui aboutiront à la condamnation des suspects; l'intelligence et souvent le culot de ces flics leur permettront de provoquer la chance et de boucler leurs missions sérieusement, avec succès ou non. Les filatures sont lentes, maîtrisées, les planques sont souvent des moments de confessions ou de rires, et parfois les différents départements croisent leurs enquêtes, ce qui complique nettement la situation. Négociations, coups de bluff, relations entre les services, pistons dans la hiérarchie, tout est bon pour réussir. Les contacts sont importants et leurs infos leur permettent d'avancer; Dragon est doué, l'homme travaille efficacement. Il fuit l'inaction, et sa vie privée en a pâti; seuls sa fille et l'amitié pour ses collègues le sortent de son boulot. De ce quotidien, de cette lassitude pourtant, sont nées la passion et la vocation d'un homme.



      Entre le témoignage, le documentaire et la fiction, ces albums sont d'une efficacité inouïe. Les scénarios tiennent la route, les dialogues sont percutants. On s'attache à ces personnages dont on découvre les failles douloureuses. Il était surprenant tout de même de retrouver Peeters ici, que l'on avait quitté dans des récits intimistes comme Pilules bleues, ou des histoires de science-fiction comme Lupus, Aâma ou Château de Sable... Mais son trait réaliste et incisif rend ces histoires policières particulièrement indispensables.